Début 1954, les températures sont glaciales, la France connaît un hiver d'une rigueur sans précédent et ce sont les pauvres qui sont les plus touchés. La première semaine de janvier, un bébé de quelques mois meurt. Lui et ses parents habitaient dans une carcasse d'autocar rafistolée. Quelques semaines après, une femme décède boulevard Sébastopol à Paris après avoir été expulsée de son logement.
Le 1er février, sur les ondes de Radio Luxembourg, la voix du prêtre Henri Grouès, dont les actions dans la Résistance lui ont valu le surnom d'abbé Pierre, déchire le silence et le froid d'une terrible nuit d'hiver. Son message, il l'a tout d'abord envoyé pour qu'il soit lu à l'antenne. Puis, il se précipite dans les locaux de la radio pour l'y lire lui-même, en direct.
Appel avec des sous-titres en espagnol ou en anglais :
Son appel, dont l'original a été perdu, fait exploser les dons, c'est ce qu'il appelle lui-même "l'insurrection de la bonté". Emmaüs récolte 500 millions de francs (18 millions d'euros) et toute sorte de produits de première nécessité, si nombreux qu'il faudra des semaines pour les trier.
Le combat de cet homme en faveur des sans-logis ne date pas de 1954, mais il est longtemps resté vain. En 1949, la première communauté Emmaüs est créée dans l'anonymat rue Paul Doumer à Neuilly-Plaisance. L'abbé Pierre, alors député, qui habitait une maison délabrée de cette ville près de Paris, a invité un ancien forçat à s'en sortir en triant des objets au rebut. Cet homme allait devenir le premier "compagnon" du mouvement laïc.
Vous connaissez désormais l'abbé Pierre, figure du monde associatif français et défenseur infatigable des plus démunis.